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Des sommets de 4000 m au Maroc - Partie 2
 
Par Alright, le 25/07/2016.
 
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- Statistiques -
 
Genre : VTT . CR consulté : 2822 fois.
 
 
 
Distance : 50 kms
Dénivelé : 3560 m+
Vit. moyenne : 3 km/h
Tps total : 80:00:00
Tps roulage : 16:00:00
Participants : .
 
Niveau :    Engagé
 
Physique :
Technique :
Paysages :
Fun :
  Moyennes sur 1 note(s).
 
 
- Aperçus - Traces -
 
 
 
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- Compte-rendu -
 
 

Pour les 4 jours précédents, se reporter au CR précédent : http://www.plani-cycles.fr/cr-topo/velo/vtt/des-sommets-de-4000-m-au-maroc-partie-1-0,2964,,2,.html

 

 

 


Jour 5 / Alunissage

La journée commence par la remontée d'un canyon en empruntant un chemin escarpé. On se croirait téléportés en Arizona. Puis on traverse en vélo des plateaux d'altitude désertiques aux reliefs variés avant d'engager une descente technique qui mène vers l'immense vallée du M'Goun. Il fait bien trop chaud, nous commençons la descente sans aucune protection, pas même un casque ou une paire de gants. On a les vélos bien en mains, on est en forme. Mais devant la difficulté qui s'accentue sérieusement et devant le terrain qui devient méchamment rocheux, on finit par enfiler le casque.

Nous remontons ensuite en pédalant (bin oui, on a quand même pédalé un peu dans tout ça) l'immense vallée plate qui mène au pied de l'objectif de notre expédition.

Un berger nous hèle de loin ; je crois qu'il veut nous vendre un mouton mais en fait, il veut tester mon vélo. Je le lui laisse, curieux. Mais il n'a manifestement jamais eu entre les mains un vélo de DH. En plus, le mien est réglé pour la descente raide avec la selle très basse et très inclinée. Du coup, il ne parvient même pas à tenir sur la bécane, manque de chuter à l'arrêt et me le rend l'air de dire : "vous êtes tarés les mecs…"

 

Après plusieurs kilomètres et alors que je commence à avoir mal aux genoux à force de pédaler en crapaud, nous faisons une pause à côté du refuge Tarkeddit, base de départ de la voie normale du pic du M'Goun. Mais alors que le coin est rempli de trekkeurs en temps normal, il n'y a personne. Pour cause de terrorisme évidemment, nous sommes en juillet 2016. Même si une analyse factuelle montre aisément que le risque est plus élevé en France qu'au Maroc… Mais laissons de côté les considérations sociétales… Nous profitons de cet arrêt pour faire la purge de mes freins qui commencent à avoir une garde beaucoup trop souple à mon goût. Une purge de freins à plus de 3000 m, ça n'a pas dû arriver bien souvent !

Puis Lhoucine nous indique la vallée d'altitude dans laquelle nous établirons le campement et nous dit qu'on peut partir devant en poussant nos vélos et que les mules nous rattraperont.

 

Deux heures plus tard, alors que l'orage est arrivé et que nous sommes seuls à 3600 m d'altitude, les mules ne nous ont toujours pas rejoints. Plus les jours passent, plus on s'adapte à l'altitude et plus on a la caisse ! On décide donc de s'amuser dans le tout nouveau terrain de jeu qui nous entoure, à savoir la lune. Car le paysage est devenu vraiment lunaire, entièrement composé de pierres noires abrasives. Plus un seul végétal n'est visible. On se croirait dans le cratère d'un volcan. Partout, des lignes de rides se déploient, toutes plus fun les unes que les autres. Malheureusement, les pierres sont du même type que sur le Tignousti (voir précédent CR), c’est-à-dire extrêmement tranchantes. Nous allons devoir faire attention où nous posons les roues. Et autant dire qu'il est inenvisageable d'envoyer pleinement la sauce et de prendre de l'angle.

Nous engageons quelques lignes sympathiques sur la pointe des roues, en priant qu'une arête tranchante n'égorge pas le tubeless. Nous comprenons vite que les zones de rochers les plus noirs sont les plus dangereuses et nous les évitons. Il faut également éviter la chute car nous n'avons que le casque et autant dire que le sol n'est qu'une immense râpe à fromage affûtée.

 

Une fois les muletiers arrivés et le camp établi, je pars faire une reco à pied pour trouver une ligne pour le lendemain.

 

Dans l'intervalle, nous croisons un berger avec son troupeau de moutons et de chèvres. Soit dit en passant, il est étonnant que les bestioles trouvent encore à manger à une telle altitude ; il ne reste plus que les cailloux à lécher… Démarre alors une négociation berbère pour acheter un chevreau qui constituera le repas du soir. La pauvre bête passe de main en main en bêlant tandis que chacun la pèse pour discuter le prix. Puis s'ensuit un bon quart d'heure de pièce de théâtre digne de la mafia italienne : argumentation, gesticulation, intimidation, colère simulée, tapes dans le dos, poignées de mains échangées puis annulées, billets sortis puis repris… Enfin, le prix est fixé et Mustafa n°2 charge le chevreau intimidé sur ses épaules. Intimidé, il a raison de l'être puisque deux heures plus tard, le voilà égorgé et dépecé. Mais nous nous sommes contentés de laisser faire le professionnalisme berbère tandis que nous le tenions par les pattes arrière.

 

 

 

Jour 6 / Sur le fil du rasoir

Aujourd'hui c'est day off ! Pour la première fois, nous laissons le camp établi au même endroit, car nous avons un objectif précis en tête : un sommet sans nom de 3980 m situé sur la chaîne de montagne du M'Goun. De plus, ce sommet permet d'enchainer une longue arête vertigineuse qu'on voit depuis le camp. Nous atteignons sans grande difficulté le pic, même si je ne parviens pas à suivre Dimitri qui monte à la vitesse vertigineuse de 800 m/h (en dénivelée, évidemment). Déjà, à 2000 m d'altitude, c'est énorme. Alors à 4000… Même notre guide, Lhoucine, qui passe pourtant sa vie à faire de la montagne a du mal à le suivre.

 

Au sommet, le paysage est grandiose. Ici tout est en roche, donc tout me plait. Nous poursuivons un petit kilomètre sur l'arête principale avant de parvenir à l'arête secondaire que nous avons repérée. Lhoucine tente de nous dissuader de prendre cette ligne : d'abord, l'attaque est très raide, 300 m aux alentours de 40°. Ensuite, l'arête devient très escarpée et recouverte des rochers tranchants que nos pneus aiment tant. Un autre problème est qu'une fois engagés dessus, nous serions ensuite coincés par des falaises de part et d'autre du fil, aucun demi-tour n'est envisageable. On ne peut pas en voir l'intégralité du fil mais on devine qu'il faut faire quelques pas d'escalade par endroit. Mais ça semble passer en vélo. Bref, c'est l'arête ultime de MTB haute montagne.

Un vent violent commence à se lever, il ne faut pas tarder. Sans hésiter, on s'engage. Les photos se suffisent à elles-mêmes pour décrire la descente :

Et après une grosse crevaison (avec mon pneu neuf, évidemment), retour au camp.

 

 

Jour 7 / 4000 m, enfin

Ascension du pic du M'Goun. La fin de la montée s'avère compliquée pour moi du fait d'une ascension trop rapide. Il faut dire que faire du 800 m/h à ces altitudes, c'est un peu jouer avec le feu. Arrivé vers 4000 m, j'ai ressenti un gros malaise, des nausées et des pertes d'équilibre. J'ai été forcé de m'arrêter un moment me reposer avant de trouver la force de repartir. Ca faisait longtemps qu'une telle chose ne m'étais pas arrivée ! De plus, il faut préciser qu'une fois atteint les 4000, nous ne sommes pas du tout au sommet ; nous devons ensuite enchainer 4 km d'arête à cette altitude.

 

En une heure, nous atteignons néanmoins les 4071 m du pic. Le 3ème sommet de l'Atlas, enfin ! Un guide prénommé Rachid se trouve au sommet avec ses clients ; il nous regarde débarquer avec nos vélos, l'air éberlué.

"Par où vous descendez ?" nous demande-t-il. En haute montagne, le piéton pose toujours la même question au cycliste… Toujours. On lui indique la face ouest, directement sous le sommet. "C'est impossible ! assène-t-il sûr de lui. Vous ne pourrez pas le faire à vélo !". Encourageant…

Nous analysons plus attentivement la face qui se déploie en contrebas. 500 m ininterrompus, entre 30 et 40°, essentiellement dans du pierrier fin, un terrain que je maitrise du fait de mes nombreux rides à vélo dans la neige. Petites pierres ou neige, c'est pareil quand il y a de la pente : il faut y aller en godille, sans hésitation, tout le poids en arrière.

Si Rachid savait… Non seulement, nous allons le faire, mais en plus, à cet instant, nous n'avons pas la moindre appréhension. Après tant de galère, de montées, de distance parcourue et de problèmes techniques, c'est du bonheur à l'état pur qui nous attend là ! De l'adrénaline à l'état brut.

Et on se lance !

La majeure partie est aisément descendable en mode godille. Néanmoins, certaines portions de la face sont vraiment raides, si raides que les cailloux n'y tiennent plus, laissant le sol nu. Cela devient alors extrêmement technique car les freinages sont grandement inefficaces sur la sous-couche poussiéreuse. Mais nous descendons l'intégralité de la face sur le vélo, sans pied à terre.

 

 

Plus bas, alors que la pente s'adoucit, nous pouvons enfin lâcher les freins et descendre à toute blinde le sentier à flanc de vallée.

Nous nous amusons un peu dans des reliefs sculptés par l'érosion mais devons bientôt accélérer le mouvement car l'orage éclate. Comme tous les jours, nous arrivons donc au camp sous une pluie battante. Qui a dit que le Maroc était un pays désertique ?

Dernière péripétie de la journée, Dimitri se fait attaquer par une meute de quatre chiens de berger complètement sauvages ; il est cerné de toutes parts, en train de se défendre vaillamment avec son vélo lorsque Mustafa – Chuck Norris, arrivant avec un bâton, lui sauve les fesses in extremis.

 

 

 

Jour 8 / This is the end…

Peu de choses à dire sur le dernier jour, si ce n'est une ascension un plus raide et plus fun que les précédentes, avec 300 m d'escalade facile… mais sans corde. Les muletiers ont pris un autre sentier et nous amènent nos vélo de l'autre côté de la crête, au sommet de l'Igoudamen.

S'ensuit une descente raide et technique avant d'atteindre un paysage de genévriers millénaires poussant dans des collines désertiques. Dernier plaisir : nous ouvrons les gaz dans la poussière et les graviers. Dernière crevaison. Puis nous arrivons enfin au fond de la vallée de Ait Bouguemez. La "vallée heureuse", comme ils l'appellent. Et nous aussi nous sommes heureux parce que nous n'avons plus de pneus, plus de chambres à air, plus de cartouche de CO2 et plus beaucoup d'énergie… Cette dernière crevaison, nous l'avons réparée avec notre toute dernière cartouche, une bombe anti-crevaison de secours…

Mustafa – Chuck Norris, avec qui on a bien rigolé tout du long du séjour malgré la chute de sa mule et sa piqure de scorpion, nous fait l'honneur de nous inviter chez lui. Ce n'est que le lendemain soir que nous pourrons enfin prendre notre première douche, après 9 jours intenses.

 

 

 

Bilan :

Au final, cette expédition au Maroc a été une sacrée expérience, tant humaine que sportive, mais également technique, puisque nous avons passé au moins deux heures de maintenance mécanique chaque soir pour garder les bikes en état.

 

Quelques conseils pour ceux qui souhaiteraient s'engager dans un périple similaire (autant que notre expérience puisse servir à d'autres) :

-          Attention à bien choisir votre équipe et votre guide. Nous avons discuté avec d'autres guides au cours de notre voyage et beaucoup connaissent mal les contraintes de la montagne. Alors quant à parler de celles du VTT… Donc quoi qu'il en soit, établissez précisément l'itinéraire avec lui sur des cartes. Vous pouvez aussi vous baser sur des photos : les guides en ont tous dans leurs téléphones. C'est donc assez simple de vérifier qu'une zone est intéressante ou pas à vélo.

-          Pour l'itinéraire, attention aux distances : ne vous dites pas "c'est cette zone est plate, on va la passer à vélo vite fait". Souvent, les plateaux à haute altitude ne sont pas roulables (buissons, reliefs rocheux…). Et du coup, la conséquence est exactement inverse : vous devrez vous taper ces replats à pied, en portant le vélo. Et ils deviendront les portions les plus exténuantes.

-          Le terrain est hyper violent pour les vélos. Entre 3000 et 3500 m, il est hérissé d'amas épineux plus proche du cactus que du buisson. Au-dessus, les cailloux sont incroyablement tranchants. Et partout, de la poussière fine qui s'infiltre dans les parties mécaniques. Tubeless obligatoire avec beaucoup de préventif. Et montez de gros pneus de DH, tant pis pour le surpoids… Pour info, des Schwalbe Nobby Nic et même des Magic Mary neufs n'ont pas suffi. Du coup, prenez également une pompe à pied pour pouvoir remonter du tubeless. Même si ça prend de la place, c'est indispensable. Nous avons sué en faisant le décompte chaque soir des cartouches de CO2 qui nous restaient…

-          A aucun moment nous n'avons eu le sentiment d'être en insécurité, même dans le contexte islamique actuel. Le Maroc est un pays sommes toutes modéré, les musulmans n'y défendent pas l'intégrisme. L'extrémisme religieux se ressent plus en France qu'au Maroc. Mais c'est un grand débat…

 

-          Attention néanmoins à l'isolement : s'il vous arrive le moindre accident, vous devrez d'abord revenir à dos de mule à la route la plus proche (ou sur un brancard si la zone est trop escarpée). Puis vous aurez ensuite une dizaine d'heures de voiture jusqu'à Marrakech. Cela fait au minimum (et c'est vraiment le minimum) deux jours avant d'atteindre un hôpital. Si vous avez une fracture ouverte, vous trouverez le temps long !

 
 
- Aperçu des photos -
 Diaporama (29)    Haut de page
on continue !  (0)
les dernières zones d'herbe  (0)
  (0)
purge de freins à plus de 3000 m !  (0)
attention aux pneus !!  (0)
lunaire...  (0)
un peu d'escalade... ça faisait longtemps ;)  (0)
en haut du sommet sans nom (3980 m)  (0)
  (0)
l'arête... elle est sévère !  (0)
  (0)
ça passe pas partout ;)  (0)
c'est MON pic !  (0)
de la bonne dalle bien raidos  (0)
  (0)
arête sommitale du M'goun  (0)
En haut du M'Goun (4071)  (1)
allez, on bascule dans la face !  (0)
on dirait un cratère de volcan   (0)
en godille !  (0)
ça y est, on peut lacher les freins !  (0)
la limite de l'adhérence....  (0)
...où on peut aller très vite !  (0)
  (0)
  (0)
et enfin, du bon single !  (0)
  (0)
de beaux genévriers !  (0)
l'équipe au complet   (0)
 
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Commentaires et réactions
 
 
 
 Yves100
 Le 13/09/2016 à 17h45.

La suite de l'aventure toujours aussi haute, splendide et audacieuse.

Un beau récit passionnant et très intense souvent. 

Top photos et montage vidéo ! Quel bonheur ! Et en prime, les passages super expos paraissent dingues sur la vidéo.

Bravo à vous deux ! C'est colossal comme raid. Très grand, très haut, très fort !
Une dimension parallèle du vtt pour moi, un autre monde peu accessible.

Merci pour le partage. 

 

 Alright
 Le 13/09/2016 à 00h48.

@Lamouette : c’est vrai ! mais je t'avais quand même averti il y a un an qu'avec moi ça allait envoyer ;) Cela dit, j’étais quand même beaucoup plus sage à cette époque... Depuis que j'habite à côté des Pyrénées, je sors quasi tous les WE !

 lamouette
 Le 12/09/2016 à 22h34.

Dire qu'il y a 2 ans on avait pris contact pour des sorties dans les PO. Heureusement pour moi on a pas réussi à planifier un truc. J'aurai jamais survécu à tes parcoursLaughing

 

Mais changez rien, vos trips, même peu abordable, son géniaux. Merci pour ces fabuleuses image et ces super CR.

 Alright
 Le 11/09/2016 à 21h36.

du coup tu peux y aller pour poser les crampon du bike maintenant ;) la descente par l'itinéraire 2 vallées plus à l'ouest est réellement faisable à vélo, rien à voir avec la descente assez olé olé qu'on a faite. c’est du bon single pas très engagé. Y'a juste l'éloignement et l'altitude...

 PBdA
 Le 11/09/2016 à 21h17.

Merci pour ce magnifique CR avec des paysages à couper le souffle. Et avec une pointe de nostalgie pour moi parce qu'on avait eu le projet de poser nos crampons sur le M'goun en 2008 et que  ça n'avait pas abouti.

 
 
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